Partido Comunista Português
Contribuition du Parti Communiste Français
Quinta, 12 Julho 2007

Parti Communiste Français

José Cordon

Rencontre internationale des partis communisteset d'autres forces de la gauche

Guimaraes – 5-6 juillet 2007



« CONTRE LE TRAVAIL PRECAIRE ET LA FLEXSECURITE,
POUR LE DROIT AU TRAVAIL, UN TRAVAIL AVEC DES DROITS »,
POUR UNE EUROPE DES TRAVAILLEURS ET DES PEUPLES »


Chers camarades,

Permettez-moi tout d'abord de remercier le Parti communiste portugais d'avoir pris la décision d'organiser cette rencontre à Guimaraes. Alors que s'engage la présidence portugaise de l'Union européenne, elle correspond bien selon nous à la nécessité, en lien avec les importantes mobilisations sociales ici au Portugal, de réagir vigoureusement face à la nouvelle offensive des gouvernements européens et des forces du capital, de relancer les politiques ultra-libérales qui fondent l'Europe d'aujourd'hui.

Dans un premier temps, la présidence portugaise veut aller très vite pour tenter d'exécuter à travers la Conférence intergouvernementale -et dans l'opacité la plus totale- le mandat qui lui a été confié, de rédiger le nouveau texte.

Mais avant d'en venir à ce qui constitue l'essentiel de nos travaux, je voudrais dire quelques mots sur la situation en France après la victoire de la droite aux élections présidentielle et législatives de mai et juin derniers.

Avec l'élection du candidat des droites, Nicolas Sarkozy, à la Présidence de la République, c'est une droite rassemblée, radicalisée et très déterminée, affichant ouvertement ses objectifs anti-sociaux et ses orientations atlantistes en politique internationale, qui accède au pouvoir.

L'ensemble de la gauche a été incapable de se rassembler majoritairement autour d'une alternative progressiste. Et notre parti a été une nouvelle fois affaibli même si le résultat qu'il a obtenu aux législatives témoigne d'une meilleure résistance ce qui constitue incontestablement un point d'appui pour les batailles à venir. Ce résultat participe certes d'un rapport de forces défavorable mais il peut permettre néanmoins la prise en compte des attentes populaires et un point d'appui pour la relance de la contestation des choix européens actuels qui s'étaient exprimés il y a deux ans lors du référendum sur le traité constitutionnel européen et la victoire du NON.

Le résultat des élections en France, venant après le succès de la droite dans d'autres pays européens, n'en constitue pas moins un nouveau signal d'alarme qui va peser dans le débat sur les conditions de résistance aux politiques libérales et sur les alternatives à gauche en Europe.

Les choix assumés par les partis socialiste et sociaux-démocrates prétendant à un simple aménagement social du capitalisme sans rupture avec les politiques que ce dernier inflige à la société ont largement contribué à une perte de repères politiques et idéologiques chez les travailleurs et dans l'électorat populaire qui a le plus à gagner à une transformation progressiste de la société.

D'ores et déjà, les choix affichés par le gouvernement de droite sont significatifs: déréglementation du secteur énergétique; vente des parts de l'Etat dans les entreprises publiques; projet de loi sur l'autonomie des universités qui vise à la casse du service public d'enseignement supérieur; coupes importantes dans les effectifs de la fonction publique et l'annonce en particulier d'une diminution drastique du nombre d'enseignants et -je vais y revenir plus longuement- une transformation profonde du code du travail avec la tentative d'imposer une précarisation encore accrue dans le travail en limitant les garanties contractuelles des salariés face aux licenciements et en abaissant leur protection sociale.

Déjà, de premières mesures, comme l'augmentation de la TVA, c'est-à-dire des prix à la consommation, qu'ils ont osé qualifier de « sociale » pour pouvoir compenser les cadeaux fiscaux faits aux plus riches, a provoqué de premières résistances ce qui s'est concrétisé -certes partiellement- dans le résultat des élections législatives.

Cette politique de la droite est en pleine cohérence avec les choix européens, ceux d'hier avec le Traité constitutionnel européen (TCE) et ceux d'aujourd'hui avec le nouveau traité qui le prolonge.

Le premier objectif des gouvernants européens était en effet de tenter d'effacer, de tourner la page des NON français et néerlandais au TCE, alors que, comme nous l'avions signalé, ces NON avaient été non pas la cause de la crise que traverse l'Europe mais plutôt le révélateur de cette crise. La campagne pour le NON, qui fut majoritaire à gauche, du moins dans notre pays, a contribué à mettre au centre du débat la question sociale, celle qui, au moins depuis l'adoption du traité de Maastricht en 1992, a délégitimé auprès des peuples européens la construction européenne actuelle.

Des luttes importantes ont eu lieu partout en Europe exprimant une critique très forte des politiques ultra-libérales. Non seulement la construction européenne n'est pas perçue comme protégeant les peuples du capitalisme mondialisé; mais elle est de plus en plus perçue comme un des acteurs principaux du néo-libéralisme qui pousse aux déréglementations et à la casse des services publics, à la mise en concurrence des salariés et des modèles sociaux pour tirer les acquis sociaux vers le bas; à faire des femmes et des hommes -au nom des exigences du capitalisme financier, de la baisse du coût du travail, de simples variables d'ajustement dans la course aux profits. Une des premières déclarations de la chancelière allemande Angela Merkel, à l'ouverture du dernier G8, a été de déclarer que l'on ne pouvait même pas parvenir à un début de discussion sur la question des « fonds spéculatifs » (hedge founds) dont on connaît les effets dévastateurs sur les conditions de développement des peuples.

Ainsi, loin de vouloir tenir compte de ce rejet profond des politiques libérales qui a délégitimé la construction actuelle de l'Europe, les milieux dirigeants européens n'ont eu qu'un objectif depuis les NON français et néerlandais, celui de contourner le vote qui rendait le TCE caduc et de présenter un nouveau texte qui ne fait qu'amender les traités antérieurs tout en en préservant leur substance néo-libérale. Contrairement à ce qu'a tenté de faire croire Nicolas Sarkozy en présentant ce nouveau « traité simplifié », « la concurrence libre et non faussée » reste le socle juridique de référence des traités et les références à la charte des droits fondamentaux ou aux services publics ne modifient en rien les orientations et les objectifs affichés d'aller vers une libéralisation de plus en plus poussée des marchés.

Dans le même temps il n'y a évidemment aucune avancée réelle dans le texte qui permette une vraie démocratisation des institutions européennes. La Banque centrale européenne va pouvoir continuer « librement » à imposer en lien avec les politiques d'austérité du pacte du stabilité décidées il y a 20 ans à Amsterdam, ses critères -celui de l'euro fort- qui se paient très cher en délocalisations, en pression sur les salaires et en mise en cause des protections sociales.

C'est d'ailleurs dans ce cadre que les gouvernements européens ont programmé depuis quelques années -avec ce qu'on a appelé la stratégie de Lisbonne- de nouveaux objectifs de régression sociale que la Commission européenne, dont les pouvoirs exorbitants perdurent, est chargée de faire respecter rigoureusement. Il s'agit d'assainir les politiques budgétaires; de réformer les retraites et tout le secteur de la Sécurité sociale et de la santé; de généraliser la concurrence dans le domaine des services à coup de directives (énergie, transport et aujourd'hui la Poste). Le tout marché est érigé en dogme d'efficacité au détriment de toute garantie sociale nouvelle. Il y a eu Bolkestein et on peut imaginer ce qu'ils feraient s'ils réussissaient à faire appliquer cette libéralisation des services dans le cadre de l'OMC.

Aujourd'hui, avec le « Livre vert sur la modernisation du droit du travail », c'est la « flexsécurité » qu'ils veulent imposer, c'est-à-dire, en fait, la possibilité donnée au patronat de licencier plus facilement encore, tout en ne laissant aux salariés qu'une « sécurité », qu'une protection minimum au travail comme dans les périodes de chômage.

Il est vrai que, pour le capital, un accroissement de la faculté de réaction des marchés du travail européens est vital pour l'augmentation de la productivité du travail dans une économie mondialisée. Mais la réalité de l'Europe -contrairement à ce que qu'affirmait le journal Le Monde il y a quelques jours , ce n'est pas le recul du chômage massif. C'est -au contraire- une précarisation du travail en très forte hausse et une régression sociale très poussée qui sont mises en oeuvre aujourd'hui.

Selon les propres chiffres avancés par une étude commandée par la Commission européenne, un européen sur six (16% de la population totale de l'UE, hors Roumanie et Bulgarie) vit en dessous du seuil de pauvreté . Cette même étude constatait également le développement du phénomène des travailleurs pauvres, qui ont un emploi, mais vivent dans une situation précaire. Un journal espagnol s'émerveillait il y a quelques jours sur le « miracle des salaires » en Espagne, c'est-à-dire leur forte baisse ayant permis la relance de la croissance économique (El Pais, 26 juin 2007).

Pour la société française, il s'agit d'une régression sans précédent: quatre millions de personnes sous le seuil de pauvreté, précarité généralisée du travail, très majoritaire pour les jeunes et les femmes .

Et malgré des luttes importantes sous le précédent gouvernement de droite contre le contrat nouvelle embauche et surtout le contrat première embauche proposé aux jeunes et qui visait à donner au patronat la possibilité de licencier librement pendant deux ans tout jeune embauché pour un premier emploi, le nouveau pouvoir en place veut instaurer un « contrat de travail unique » en apparence basé sur le contrat à durée indéterminée, mais qui permettrait au patronat de s'abstraire le plus possible des règles juridiques, contractuelles, qui encadrent le licenciement économique. Le patronat, lui, cherche avant tout à obtenir de la souplesse, une plus grande « fluidité » du marché du travail, c'est-à-dire en fait la possibilité d'embaucher et de licencier sans contrainte. Comment concilier cela dans un « contrat unique » préservant le contrat à durée indéterminée (CDI) comme la norme normale d'emploi. L'idée c'est de préserver sur le papier le CDI mais de débarrasser le contrat de toutes les garanties sociales qui protègent le salarié en cas de rupture du contrat de travail. Les patrons y gagneraient la généralisation du droit de licencier sans préavis et surtout sans motif. Les salariés seraient contraints d'accepter de travailler dans l'incertitude du lendemain, leur « sécurité » se résumant à l'obtention de certains droits à mesure du temps passé dans l'entreprise.

Ce nouveau contrat sera présenté par Nicolas Sarkozy et son gouvernement dans les prochaines semaines et il doit donner lieu tout comme les mesures prises dans les autres pays européens avec le débat ouvert sur la « flexsécurité », à une montée de la confrontation sociale, idéologique et politique sur l'enjeu d'une véritable sécurisation de l'emploi et de la formation pour inverser la spirale de la précarisation généralisée en Europe.

Nous avons quant à nous mis au centre de nos propositions prioritaires l'accès de tous les actifs à un contrat à durée indéterminée où chacun pourrait, soit occuper un emploi stable et bien rémunéré, soit accéder à une mobilité choisie, à une formation elle aussi rémunérée sans perdre ses droits au retour à l'emploi.

Bien entendu, cette proposition qui rejoint sur bien des points celle d'une « sécurité sociale professionnelle » avancée par la CGT, s'accompagne de revendications fortes pour l'augmentation des salaires et la conquête de nouveaux droits pour les salariés dans les entreprises, alors que Sarkozy vient de prendre de premières mesures pour s'attaquer au droit de grève.

En commençant cette intervention, j'ai rappelé combien, avec le nouveau traité qu'ils s'apprêtent à mettre en oeuvre, les dirigeants européens ont voulu mettre entre parenthèses les NON français et néerlandais au TCE. Ce même NON qu'auraient pu exprimer d'autres pays européens si une consultation avait pu y être organisée. Or, avec cette mystification du traité dit simplifié, ce marché de dupes -permettez-moi l'expression- que l'on veut imposer aux peuples européens, c'est toute ratification par référendum du nouveau texte que l'on veut empêcher à tout prix. On veut éviter les mobilisations citoyennes; on veut une nouvelle fois que les peuples expriment leur rejet de cette Europe ultra-libérale; on veut éviter le débat en donnant à la CIG la seule mission d'une mise en forme du mandat élaboré par les chefs d'Etat et de gouvernement à Bruxelles. Les Parlements nationaux ne sont qu'informés. C'est la démocratie qui est bafouée.

Eh bien il faut relever le défi. Et ce d'autant plus que, dans le même temps qu'ils tentent d'imposer la régression sociale, les dirigeants européens et les orientations inscrites dans le traité poussent à une militarisation accrue, à une politique extérieure et de sécurité commune inféodée aux objectifs des Etats-Unis et de l'OTAN, comme on peut le constater avec la tentative des Etats-Unis d'installer des batteries anti-missile en République tchèque et en Pologne.

Et l'une des premières décisions de la Présidence allemande de l'UE a été de renforcer le marché transatlantique entre l'Europe et les Etats-Unis.

Les luttes en cours au Portugal comme ailleurs en Europe peuvent imposer un autre agenda, une autre feuille de route. Avec les mobilisations d'aujourd'hui et durant l'ensemble de la présidence portugaise, permettre aux citoyens dans chaque pays européen de se mêler des choix qui les concernent jusque dans leur dimension européenne.

Avec la perspective de toute façon incontournable de ratification du traité, avant les élections européennes de 2009, c'est l'exigence d'un vrai débat qui est à l'ordre du jour. Il sera d'autant plus porteur d'une perspective progressiste pour l'Europe qu'il s'appuiera sur des propositions de rupture avec les politiques actuelles et les institutions non démocratiques en vigueur aujourd'hui et l'exigence d'une réorientation profonde de la construction européenne répondant aux exigences et aux urgences sociales, démocratiques, écologistes et pacifistes des peuples. Il faut partout aller vers la consultation des peuples par référendum. C'est cela l'exigence démocratique!

Nul doute que l'initiative à laquelle nos camarades du Parti communiste portugais, qui nous accueille aujourd'hui, y contribue fortement.